lundi 18 octobre 2010

Larry Clark : devrait-on censurer les censeurs ?

« Une attaque des adultes contre les adolescents ». C’est en ces termes que Larry Clark réagit à la décision de la mairie de Paris d’interdire l’entrée à sa rétrospective aux mineurs. Lancée depuis le 8 octobre au Musée d’Art Moderne de Paris, l’exposition de 200 clichés présente les dérives de l’adolescence dans les années 70. Au programme certes, drogue, sexe, violence et déchéance. 

La municipalité impose cette limite d'âge, considérant en effet que certains clichés du photographe américain tombent sous le coup de la loi qui interdit de diffuser un message violent ou pornographique susceptible d'être vu par un mineur. 

La décision de la mairie de Paris n’est-elle pas excessive ? C’est ce que laisse en tout cas entendre les Verts. On peut se demander si toute cette polémique ne pouvait pas être évitée par une simple mise en garde explicite à l’entrée du musée. Il semble que Larry Clark soit l’une des nombreuses victimes de notre société de plus en plus pudibonde et aseptisée. 

Car finalement, son travail ne se montre pas beaucoup plus impudique que certaines émissions de télé-réalité diffusées en pleine journée sur nos écrans. La plupart des visiteurs depuis vendredi trouve l’exposition touchante plus que choquante, parce que la sincérité et l’authenticité sont visibles derrière chacun des clichés. Finalement Larry Clark montre seulement la vie, la vérité des années 1970. 

Au-delà de la question de la censure, le débat semble en réalité se situer sur la façon dont chacun définit et apprécie le travail d’un artiste. L’art est-il celui qui fait rêver ou qui fait réfléchir ? Car c’est finalement bien cela qu’on reproche aux clichés de Larry Clark : nous mettre face à des images dérangeantes, parfois choquantes d’un phénomène social certes minime mais bien réel. Or le plaisir et le confort du spectateur – argument qui ressort souvent dans cette polémique – devient finalement dérangeant quant il s’agit de limiter notre propre sens critique et notre esprit d’analyse. 

Or peut-on juger que les adolescents n’ont pas cette capacité à prendre du recul entre les images qui leur sont présentés et leur propre construction ? Larry Clark affirme d’ailleurs souvent qu’il réalise ses photos pour lui-même et pour les adolescents, les clichés faisant ressortir une multitude de problématiques auxquelles sont justement confrontés les mineurs. Se mesurer à ces photos serait justement un moyen pour eux de grandir, de réfléchir et de se questionner sur leurs propres limites. 

Alors certes, la censure dont cette exposition semble être la première des victimes est disproportionnée et critiquable. Mais les esprits les plus cyniques d’entre nous la verront surtout comme un formidable levier de publicité pour Larry Clark, comme en témoigne la Une de Libération affichant l’un des clichés controversés. Mais l’exposition en valait-elle vraiment la polémique ?